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L'orthodoxie en martinique
11 décembre 2022

La LITURGIQUE DU 26 iem DIMANCHE 11 DECEMBRE APRES LA PENTECOTE

BONJOUR A TOUS !

*SAMEDI 10 DECEMBRE OFFICE DE MATINES ET VEPRES A 17H00 DEPLACEMENT DE L'AVANT FETE EN CE JOUR

*La LITURGIQUE DU 26 iem DIMANCHE 11 DECEMBRE APRES LA PENTECOTE sera célébrée à 10H00

*Suivie des agapes partage après la Liturgie :( chaque personne porte quelque chose si possible).
ADRESSE PAR GPS

POUR INFO (TL : 0696 344321 / 0696 341443)

*OFFICE DE VÊPRES DU DIMANCHE SOIR : 15H00

 


SYMBOLIQUE ET BEAUTÉ
DANS LA PRIÈRE
DE L’ÉGLISE ORTHODOXE
Par Mgr Kallistos Ware
La chose principale.
La chose principale, dit saint Théophane le Reclus, est de se tenir devant Dieu avec l’esprit dans le cœur et de continuer à se tenir devant Lui, sans cesse, jour et nuit, jusqu’à la fin de la vie. (Cité dans Higoumène Chariton, L’Art de la prière, Bellefontaine, 1976, p. 81.)
Dans cette définition concise mais profonde, saint Théophane souligne trois choses :
– premièrement, la base de la louange qui est de se tenir devant Dieu ;
– deuxièmement, les facultés qu’emploie la personne qui rend grâce :
avec l’esprit dans le cœur ;
– troisièmement, le moment approprié pour la louange :
sans cesse jour et nuit, jusqu’à la fin de la vie.
Se tenir devant Dieu.
La première chose pour rendre grâce ou prier est de se tenir devant Dieu. Notez bien l’étendue de la définition de saint Théophane. Prier ce n’est pas nécessairement demander quelque chose à Dieu ; il n’est même pas nécessaire d’employer des mots, parce que, très souvent, les prières les plus profondes et les plus puissantes sont celles où l’on se tient simplement devant Dieu en silence. Mais notre attitude est toujours la même, que nous rendions grâce avec des mots, par des actions symboliques ou sacramentelles, ou en silence : nous nous tenons devant Dieu.
Se tenir devant Dieu : cela implique que l’action de grâce est une rencontre, une rencontre entre personnes. Le but de l’action de grâce n’est pas seulement d’éveiller des émotions et de produire des attitudes morales appropriées, mais d’entrer en relation de manière directe et personnelle avec Dieu, la Sainte Trinité. Comme un ami parlant à un ami, écrit saint Syméon le Nouveau Théologien, nous parlons à Dieu et nous nous tenons avec hardiesse devant Sa Face habitée d’une lumière inapprochable.
Ici saint Syméon indique brièvement les deux pôles de la prière chrétienne, les deux aspects contrastants de cette relation personnelle : Dieu est habité d’une lumière inapprochable, mais nous, êtres humains, nous pouvons L’approcher avec hardiesse et lui parler comme un ami parle avec son ami. Dieu est au-dessus de tout être, infiniment éloigné, inconnaissable, " le Tout Autre ", le Mysterium tremendum et fascinans. Mais ce Dieu transcendant est en même temps un Dieu d’amour personnel, proche de manière unique, autour de nous et en nous, partout présent et qui remplit tous.
Dans l’adoration, le chrétien se tient alors devant Dieu dans une double attitude, conscient à la fois de la proximité et de l’altérité toute autre de l’Éternel, pour employer les mots d’Evelyn Underhill, écrivain anglican qui éprouvait un amour profond pour l’Orthodoxie. Lorsqu’il prie, le fidèle ressent à la fois la miséricorde et le jugement de Dieu, à la fois sa bonté et sa sévérité. Jusqu’à la fin de notre vie terrestre, nous éprouverons toujours de l’assurance et de la crainte : selon les mots de saint Ambroise, starets du monastère d’Optino, entre l’espoir et la crainte. Cette double attitude apparaît d’une manière frappante dans les liturgies de l’Église orthodoxe, qui réussissent vraiment bien à combiner les deux qualités de mystère et de simplicité : pour citer une fois de plus Evelyn Underhill, ...tellement profondément sensible au mystère du Transcendant, en même temps que tellement semblable à un enfant dans son approche confiante.
Dans les textes liturgiques de l’Orient chrétien, ces sentiments contrastés d’espoir et de crainte, de confiance et de peur sont mis côte à côte. Les Saints Dons sont les mystères donateurs de vie et terribles. En invitant les fidèles à s’approcher du calice, le prêtre dit : Approchez avec crainte de Dieu, foi et amour – la crainte et une confiance aimante vont de pair. Dans une prière avant la communion attribuée à saint Syméon le Nouveau Théologien, nous employons ces mots-ci :
À la fois se réjouissant et tremblant,
Moi qui suis la paille je reçois le Feu
Et, étrange miracle !
Je suis ineffablement rafraîchi,
Comme le buisson ardent
Qui brûla mais ne fut pas consumé.
À la fois se réjouissant et tremblant : c’est précisément l’attitude que nous devrions avoir lorsque nous nous tenons devant Dieu. Notre action de grâce devrait être marquée par un sens aigu de respect et de componction, parce que c’est une chose redoutable que de tomber aux mains du Dieu vivant (Hé 10, 31) ; et également par un sentiment de simplicité accueillante et affectueuse parce que ce Dieu vivant est aussi notre frère et notre ami. Lorsque nous rendons grâce nous sommes à la fois des esclaves devant le trône du Roi des Cieux, et des enfants heureux d’être dans la maison du Père. Les larmes que nous versons en nous approchant pour communier sont à la fois des larmes de pénitence, considérant notre propre indignité – Moi qui suis la paille – et des larmes de joie en contemplant la compassion miséricordieuse de Dieu.
Comme saint Macaire insiste dans ses Homélies : Ceux qui ont goûté le don de l’Esprit sont conscients de deux choses à la fois : d’un côté, la joie et la consolation ; et de l’autre, la crainte, le tremblement et la tristesse. Ces deux sentiments simultanés devraient caractériser notre prière si nous voulons nous tenir de manière juste dans la Divine présence.
Avec l’esprit dans le cœur.
En second lieu, prier et rendre grâce c’est se tenir devant Dieu avec l’esprit dans le cœur. Ici, cependant, il faut faire attention ; parce que, lorsque saint Théophane – et la tradition orthodoxe en général – emploie ces deux mots " esprit " et " cœur ", il leur donne un sens qui est différent de celui que nous pouvons leur donner aujourd’hui en Occident. Par " esprit " ou " intellect " (noûs en grec), il ne veut pas seulement ou premièrement dire le cerveau raisonnant, avec son pouvoir d’argumentation discursive, mais aussi et beaucoup plus fondamentalement, le pouvoir d’appréhender la vérité spirituelle de l’intérieur et par une vision contemplative. La raison ne doit pas être répudiée ou réprimée, parce que c’est une faculté qui nous a été octroyée par Dieu ; mais elle n’est pas le chef de nos facultés ou la faculté la plus haute que nous possédons, et elle est transcendée à de nombreuses occasions lors de notre prière.
Nous devons également faire attention lorsque nous interprétons le mot " cœur " (kardia). Quand saint Théophane – et la tradition spirituelle orthodoxe en général –, parle du cœur, ils comprennent le mot dans son acception sémitique et biblique, ne signifiant pas seulement les émotions et les affects mais le centre premier de notre personne. Le cœur signifie le " moi profond " ; c’est le siège de la sagesse et de la compréhension, l’endroit où nous prenons nos décisions morales, le lieu intérieur où nous expérimentons la grâce divine et la présence de la Sainte Trinité. Cela indique la personne humaine en tant que " sujet spirituel ", créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Donc, parler comme le fait saint Théophane de se tenir devant Dieu avec l’esprit dans le cœur, signifie que nous devons L’adorer avec la totalité de notre personne humaine. Les facultés rationnelles ne sont pas du tout rejetées, parce que nous sommes des créatures rationnelles – ce que saint Clément d’Alexandrie nomme un troupeau raisonnable – et à cause de cela notre prière devrait être logique latreia, prière raisonnable (Rm 12, 1). De même, nous ne devons pas exclure nos émotions et nos affects de notre prière, parce qu’eux aussi font partie de notre personnalité. Nos prières devraient être animées d’éros, désir intense et fervent pour le Divin, afin que notre prière devienne véritablement une expression d’extase érotique, pour employer une phrase de saint Maxime le Confesseur. Mais, logos et éros, raison, émotions et affects doivent être combinés avec les autres pôles de notre personne, et ils doivent tous être intégrés en une unité vivante, au niveau de notre être profond, de notre cœur. Pour citer à nouveau Evelyn Underhill, notre expérience de Dieu jaillit du champ de notre conscience pour transformer et amener les niveaux profonds et instinctifs de l’esprit à l’acte total de l’adoration. Notre adoration doit tout embrasser.
Avec l’esprit dans le cœur. Dans cet acte total d’adoration, alors, nous devons nous tenir devant Dieu avec notre personne tout entière : certainement avec l’esprit conscient, mais aussi avec les aspects de notre être intérieur qui vont jusqu’à l’inconscient ; avec nos sentiments instinctifs, avec notre sens esthétique et également avec cette faculté de compréhension intuitive et de conscience spirituelle directe qui, comme nous l’avons dit, surpasse de loin la raison discursive. Tout cela doit jouer son rôle dans notre prière ; et notre constitution physique et matérielle aussi, c’est-à-dire notre corps. La chair aussi est transformée, écrit saint Grégaire Palamas ; elle est exaltée avec l’âme et communie avec elle au Divin, et devient de même la possession et le lieu d’habitation de Dieu.
Comment cet acte total s’accomplit-il ? Dans notre prière nous employons d’abord des mots, et ces mots ont une signification littérale, saisie par le rationnel. Mais il y a beaucoup plus que la signification des mots qui est impliqué dans l’acte de la prière. En deçà et au-delà de leur sens littéral, les syllabes et les expressions sont riches d’associations et de musicalité, et possèdent un pouvoir caché et une poésie propre. Donc dans nos prières, nous n’employons pas seulement les mots de manière littérale mais aussi pour leur beauté ; même si les textes sont écrits en prose rythmée plutôt qu’en vers, à travers l’imagerie poétique nous les revêtons d’une signification nouvelle. Nous prions d’ailleurs non seulement en employant des mots, mais aussi de plusieurs manières différentes : par la musique, par la splendeur des vêtements sacerdotaux, par la couleur et les lignes des saintes icônes, par l’aménagement de l’espace sacré dans l’église, par des gestes symboliques comme le signe de la croix, l’offrande de l’encens et l’allumage de bougies, et par l’emploi de tous les grands " archétypes " constituants de base de la vie humaine, comme l’eau, le pain et le vin, le feu et l’huile.
Par l’emploi littéral des mots nous atteignons le rationnel ; par la poésie et la musique, par l’art, les symboles et les actes rituels, nous atteignons les autres couches de la personne humaine. Tous les aspects de notre prière sont aussi importants les uns que les autres. Si les mots que nous exprimons n’ont pas de signification littérale, ou si nous les récitons ou les chantons de telle façon que nous rendons leur signification inintelligible, notre prière dégénère en formules magiques et en charabia, et elle n’est plus digne d’un esprit rationnel. D’un autre côté, si notre prière ne s’exprime que par des mots, interprétés littéralement et rationnellement, elle pourra être une véritable prière de l’esprit mais elle ne sera pas encore une prière de l’esprit dans le cœur Elle pourra être admirablement claire, logique et systématique, mais elle sera loin d’être une prière de toute la personne. Ceci est un point que les réformateurs liturgiques occidentaux des années 1960 et 1970 ont très souvent perdu de vue. Ils ont sous-estimé le sens du mystère ; mais sans le sens du mystère nous ne sommes pas véritablement humains. La prière est plus qu’une forme de proclamation à travers l’expression de mots, et l’assemblée liturgique est plus qu’un rassemblement public avec des discours et des annonces.
On dit très souvent que les symboles et les objets employés dans la prière chrétienne traditionnelle et le style de beauté que cela montre sont devenus démodés et hors de propos dans le monde contemporain. Ces symboles, argumente-t-on, datent d’une époque agricole et ne sont plus, pour nombre d’entre eux, adaptés à un environnement urbain et industriel. Pourquoi devrions nous prier Dieu avec un cierge et un encensoir dans la main et non avec un stéthoscope ou une foreuse ? Ne restreignons nous pas notre prière à un type particulier de personne en en excluant d’autres ?
À cela un orthodoxe répondrait que les gestes et les symboles que nous employons pour la prière ont une signification universelle. Bien que la Divine Liturgie ait été influencée extérieurement par les conventions sociales et artistiques de certaines régions, comme par exemple par le cérémonial de la cour byzantine, dans son essence intérieure elle transcende ces limitations et parle à la condition humaine fondamentale, que l’on soit homme ancien ou moderne, oriental ou occidental. Dans sa prière l’Église orthodoxe fait usage des réalités premières de l’existence humaine comme le pain et l’eau, la lumière et le feu. Si ceux qui vivent dans un environnement urbain et technologique ne trouvent plus que ces réalités primaires ont du sens, n’est-ce pas plutôt une mise en accusation inquiétante du côté artificiel et irréel de notre " civilisation " contemporaine ? Peut-être alors n’avons-nous pas besoin de changer les symboles mais de nous changer nous, en nettoyant les portes de notre perception.
À ce propos, l’orthodoxe peut se sentir quelque peu encouragé par l’enthousiasme occidental actuel pour les icônes. Un nombre étonnant d’hommes et de femmes " modernes ", tout en restant à l’extérieur à quelque Église que ce soit, et en ne semblant pas du tout intéressé par les réformes liturgiques contemporaines, est cependant attiré fortement par les icônes orthodoxes. Ne soyons pas trop rapide à taxer cette attraction de sentimentale et superficielle. N’est-ce pas un curieux paradoxe qu’à l’âge de la technologie et du sécularisme, les gens se sentent attirés par une forme d’art spirituelle par excellence et théologique ? Se sentiraient-ils attirés de la même manière si l’art de l’icône était " mis au goût du jour " ?
Pour un chrétien orthodoxe, il est de la plus haute importance que l’acte de rendre grâce exprime la joie et la beauté du Royaume des Cieux. Sans cette dimension de beauté, notre action de grâce ne réussira jamais à être une prière dans le plein sens du terme, prière du cœur tout autant que prière du rationnel. Cette joie et cette beauté du Royaume ne peuvent pas être convenablement exposées par des arguments abstraits et des explications logiques ; cela doit être expérimenté et non discuté. Et c’est par-dessus tout par des actions symboliques et rituelles – en brûlant de l’encens, en allumant un lampion ou un cierge devant une icône – que cette expérience vivante est rendue possible. Ces gestes simples expriment, bien mieux que n’importe quel mot, notre attitude envers Dieu, notre amour et notre adoration ; sans de telles actions notre action de grâce serait tristement appauvrie.
Pourquoi offrir de l’encens ou brûler des cierges ? Pourquoi faire des prosternations ou des signes de la Croix ? Si nous essayons de l’expliquer par des mots, nous savons très bien que cela ne rendra compte que d’une petite part de la vérité. Et là se trouve précisément la raison de l’action symbolique. Si le poète pouvait exprimer ce qu’il veut dire par de la prose, si l’artiste ou le musicien pouvait exprimer par des mots ce qu’il ou elle a voulu dire par la peinture ou par le son, il n’y aurait pas besoin de poèmes, de tableaux ou de symphonies. Chacune de ces choses existe parce que cela exprime quelque chose qui ne peut pas être exprimé d’une autre façon. C’est la même chose pour l’action de grâce. S’il était possible de l’exprimer par des mots, pourquoi brûlons-nous des cierges et de l’encens ? Nous pouvons nous contenter de l’explication verbale et renoncer à l’acte symbolique. Toute la valeur de l’acte symbolique dans l’action de grâce vient du fait qu’il exprime quelque chose qui ne peut pas être dit uniquement par des paroles, qu’il atteint une part de notre être qui ne peut pas être touchée par des arguments rationnels. D’une part le symbole est plus simple et plus immédiatement accessible qu’une explication verbale, et d’autre part, il pénètre plus profondément au cœur de la réalité.
Dans notre prière, au niveau purement pragmatique, la beauté et le symbolisme sont inutiles et sans objet. Nous pouvons employer des sprays désodorisants à la place de l’encens, des néons à la place des cierges. Mais l’être humain n’est pas simplement un animal pragmatique et utilitaire, et ceux qui vont voir plus profondément dans la nature humaine vont rapidement apprécier combien nous avons besoin de cette beauté " inutile ". Comme l’archiprêtre Alexandre Schmemann l’a si justement dit :
La liturgie est avant toute autre chose la réunion joyeuse de ceux qui vont rencontrer le Seigneur Ressuscité et qui vont entrer avec Lui dans la chambre nuptiale. Et c’est cette joie de l’attente et cette attente de la joie qui sont exprimées par les chants et le rituel, par les vêtements et les encensements, dans toute cette " beauté " de la liturgie qui a si souvent été dénoncée comme étant inutile et même pécheresse.
Inutile, elle l’est en effet parce que nous sommes au-delà des catégories de " l’utile ". La beauté n’est jamais " nécessaire ", " fonctionnelle " ou " utile ". Et quand, attendant quelqu’un que nous aimons, nous mettons une belle nappe sur la table et la décorons avec des bougies et des fleurs, nous ne le faisons pas par nécessité mais par amour. Et l’Église est amour, attente et joie. C’est le Ciel sur la terre selon notre tradition orthodoxe ; c’est la joie de l’enfance retrouvée, cette joie libre, inconditionnée et désintéressée, qui seule est capable de transformer le monde. Dans notre piété " sérieuse " d’adulte nous demandons des définitions et des justifications et elles sont enracinées dans la peur. Peur de la corruption, de la déviation, des " influences païennes ", des " trucs ". Mais celui qui a peur n’est pas rendu parfait dans l’amour (1 Jn 4, 18). Tant que les chrétiens aimeront le Royaume de Dieu et ne le discuteront pas seulement, ils le " représenteront " et ils le signifieront par l’art et la beauté. Et le célébrant du sacrement de la joie apparaîtra dans une belle chasuble parce qu’il est revêtu de la gloire du Royaume, parce que même sous forme humaine, Dieu apparaît en gloire. Pendant l’Eucharistie nous nous tenons en présence du Christ, et comme Moise devant Dieu, nous allons être recouverts de sa gloire.
La beauté sauvera le monde, dit Dostoïevski. Rendre manifeste le pouvoir de salut de cette divine beauté est une des premières fonctions de l’action de grâce. Quand les envoyés du Prince Vladimir de Kiev furent gagnés à la foi orthodoxe, ce ne sont pas des mots ou des arguments logiques qui les ont convertis, mais bien la beauté de la Sainte Liturgie à laquelle ils participèrent à Constantinople : Nous ne pouvons pas oublier cette beauté, dirent-ils lorsqu’ils rentrèrent chez eux. En quoi consiste votre prière ? demanda saint Jean de la Croix à une de ses pénitentes ; et elle répondit : À considérer la Beauté de Dieu et à me réjouir qu’il ait une telle beauté. Telle est la nature de l’action de grâce. Prier et rendre grâce c’est percevoir la beauté spirituelle du Royaume des Cieux ; exprimer cette beauté à la fois par des mots, de la poésie et de la musique, par l’art et des actes symboliques et par nos vies toutes entières ; et de cette façon, nous étendons la beauté divine dans le monde autour de nous, transformant et transfigurant la création qui a chuté.
Sans cesse jour et nuit.
Il reste le troisième point de la définition de saint Théophane : rendre grâce c’est se tenir devant Dieu sans cesse jour et nuit jusqu’à la fin de la vie. Priez sans cesse, insiste saint Paul (1 Th 5, 17). La prière et l’action de grâce ne devraient pas être seulement une activité parmi d’autres, mais l’activité de toute notre existence. Tout ce que nous faisons se fait sous le regard de Dieu : se tenir devant Dieu ne devrait pas être une attitude limitée à des moments et des lieux spécifiques, à des occasions où nous " disons nos prières " à la maison ou quand nous " allons à l’église ", mais devrait être une attitude globale, étreignant tout et à tout moment. Nous devrions chercher à faire de tout notre être un acte continuel d’action de grâce, une doxologie ininterrompue.
Rien ne devrait être écarté parce qu’irrémédiablement séculier, parce qu’incapable d’être transformé en action de grâce. Un chrétien, comme l’observe très justement père Alexandre Schmemann, est celui qui, où qu’il regarde, trouve le Christ et se réjouit en lui. Dans les mots d’une ancienne " Parole de Jésus ", il est dit :
Fendez le bois, je suis là.
Soulevez la pierre,
vous me trouverez là.
Pouvez-vous recevoir trop de joie des travaux paternels ? demande Thomas Traherne. Il est lui-même en toute chose. Certaines choses sont petites vues de l’extérieur, et dures et communes. Mais je me rappelle le temps où la poussière des rues semblait aussi précieuse que de l’or à mes yeux d’enfant, et maintenant elle est plus précieuse encore aux yeux de ma raison. Rendre grâce c’est voir Dieu en tout, inclure le monde entier et l’offrir en retour à Dieu dans la joie.
La prière et l’action de grâce continuent alors " sans cesse jour et nuit " dans le sens qu’elles font partie de notre être ; elles ne sont plus quelque chose que nous faisons, disons ou pensons, mais quelque chose que nous sommes. Souvenez vous de Dieu plus souvent que vous respirez, dit saint Grégoire de Naziance. La prière nous est plus essentielle, est une part plus intégrante de nous-mêmes que le rythme de notre respiration ou le battement de notre cœur. Nous avons été créés pour prier. La prière est notre véritable nature, et tout peut être changé en prière. Dans cette immense cathédrale qu’est l’univers de Dieu, écrit Paul Evdokimov, chaque personne, qu’elle soit travailleur intellectuel ou manuel, est appelée à agir en tant que prêtre de sa vie tout entière, à prendre tout ce qui est humain et à le retourner en une offrande et un hymne de gloire. Et ailleurs, le même auteur remarque : Dans les catacombes, le dessin le plus fréquent est celui d’une femme en prière, l’Orante ; elle représente la seule attitude juste de l’âme humaine. Il n ‘est pas suffisant de dire des prières : nous devons devenir, être, prière, prière incarnée. Il n’est pas suffisant d’avoir des moments de prière. Toute notre vie, chaque acte, chaque geste, même le sourire d’un visage humain, doit devenir un hymne d’adoration, une offrande, une prière. Nous devons offrir non pas ce que nous avons mais ce que nous sommes.

Une version légèrement différente
de ce texte paraît dans Kallistos Ware,
Tout ce qui vit est saint,
Cerf/Le sel de la terre, 2003.
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INITIATION À LA PRIÈRE
Par Origène (IIe IIIe siècles)
Moyens pour prier comme il faut.
Je pense que celui qui prie comme il faut ou éveille les bonnes dispositions, en tirera grand profit. Et d'abord, celui qui s'adonne à la prière s'y dispose en se mettant en la présence de Dieu, il lui parle comme à quelqu'un qui est là et qui l'écoute. Il est des images, des souvenirs qui troublent l'imagination et l'esprit qu'ils envahissent ; par contre, il est bénéfique de se souvenir de Dieu en qui nous croyons, qui perce les mouvements les plus secrets de notre âme, soucieuse de plaire à ce Présent qui le voit, qui sonde les reins et scrute les cœurs.
Admettons même que celui qui dispose ainsi son cœur à la prière n'en retirât pas d'autre fruit, cette disposition spirituelle à la prière, par elle-même, constitue déjà un réel bienfait. Que de fautes elle évite, que d'actions bonnes elle provoque, ceux-là le savent qui font l'expérience de la prière continuelle. Si déjà l'exemple et le souvenir d'un homme illustre et sage nous porte à l'imiter et souvent nous arrête sur une pente glissante, à combien plus forte raison, la pensée de Dieu, notre Père commun, unie à la prière vient elle au secours de ceux qui savent être en présence d'un Dieu, à qui ils parlent, qui les voit, les écoute ?
L'Écriture confirme ce que nous venons d'exposer. Celui qui prie doit " lever au ciel des mains pures " (1 T 2, 8), pardonner les fautes d'autrui, envers lui, bannir de son cœur tout sentiment de colère ou de rancune. Il lui faut désencombrer l'esprit au moment de la prière de toute préoccupation étrangère ou qui ne se rapporte pas à la prière. Quelle source de bien-être ! Paul n'enseigne-t-il pas dans la première lettre à Timothée : " Je veux donc qu'en tout lieu les hommes prient et qu'ils lèvent au ciel des mains pures, sans colère ni dispute " (Ibid.). [...]
Le prophète David parle de bien d'autres dispositions que le juste apporte à la prière. Nous n'hésitons pas à citer ses propres paroles, afin de mettre en lumière l'utilité de cette préparation à la prière pour celui qui se confie à Dieu, quand bien même il ne tirerait aucun autre avantage. " Vers toi j'ai levé mes yeux, prie David, qui habites les cieux " (Ps 123, 1). Et : " Vers toi, j'élève mon âme, ô Dieu " (Ps 25, 1). Les yeux sont levés en esprit, quand ils ne collent pas aux biens de la terre, et n'en sont pas éblouis ; qu'ils s'élèvent à une telle hauteur, au point de contempler que Dieu seul et lui parler humblement et avec modestie.
Ces yeux ne sont-ils pas déjà comblés, d'avoir contemplé sans voile la gloire de Dieu, d'avoir été transfigurés en cette même image, de plus en plus resplendissante (2 Co 3, 18) ? Ils reçoivent, comme un rayon de l'intelligence divine, selon qu'il est écrit : " Tu as levé sur nous, la lumière de ta face, Seigneur " (Ps 4, 7).
L'âme soulevée qui suit l'Esprit et se dégage du corps, non seulement suit l'Esprit mais habite en lui, comme il est écrit : "Vers toi, j'élève mon âme " (Ps 25, 1). Cette âme ne quitte-t-elle pas sa condition pour devenir spirituelle ?
Le pardon des injures est le plus grand acte de vertu, au point de renfermer en abrégé toute la loi, selon le prophète Jérémie : " Je n'ai rien commandé à vos pères, à leur sortie de l'Égypte ; voici ce que je leur commande : Que chacun pardonne à son prochain dans son cœur " (Jr 7, 22-23 ; Za 7, 10). Si nous nous disposons à la prière par le pardon, nous gardons le commandement du Sauveur : " Si vous êtes debout pour la prière, pardonnez si vous avez quelque chose contre quelqu'un " (Mc 11, 25). Ce faisant, nous avons acquis déjà le meilleur des biens.
Je parle toujours dans l'hypothèse où le seul fruit de notre prière serait d'apprendre comment il faut prier et d'agir en conséquence. Il est clair que celui qui prie de la sorte, qui se fie à la puissance de celui qu'il invoque, alors qu'il parle encore, il l'entendra dire : " Me voici ", à condition d'écarter avant de prier toute objection contre la providence. C'est le sens des paroles : " Si tu élimines de chez toi les chaînes, les gestes de menace et toute parole de murmure " (Is 58, 9).
Celui qui accepte les événements comme ils arrivent est, en effet, libre de toute chaîne ; il ne lève pas une main menaçante contre Dieu qui conduit tout pour notre progrès. Il ne murmure pas dans le secret de son cœur, quand il ne peut pas être entendu des hommes. Ce murmure caractérise les mauvais serviteurs, qui n'osent pas critiquer ouvertement les ordres de leur maître ; ils grommellent, en secret, sournoisement contre les événements de la providence, comme s'ils voulaient dissimuler au Seigneur de l'univers le sujet de leur mécontentement.
C'est à mon avis, le sens de ce qui est écrit dans Job : " En tous ses malheurs, Job ne pécha point de ses lèvres devant Dieu " (Jb 2, 10). Il est dit de lui avant son épreuve : " En tout cela Job ne pécha point devant Dieu " (Jb 1, 22). Le Deutéronome dit de même : "Prends garde de ne surprendre dans le secret de ton cœur un propos de vaurien, disant : Proche est la septième année ", et la suite (Dt 15, 9).
Le monde de Dieu assiste celui qui prie.
Celui qui prie de la sorte, outre tous ces bienfaits, devient plus digne de s'unir à l'Esprit du Seigneur, qui remplit l'univers, la terre et le ciel dont parle le prophète " Est-ce que je ne remplit les cieux et la terre ? " (Jr 23, 24).
De plus, la purification dont nous avons parlé fait participer à la prière du Verbe de Dieu, qui se tient au milieu même de ceux qui l'ignorent, ne ferme l'oreille à aucune prière, et prie son Père avec celui dont il est le médiateur. Le Fils de Dieu est, en effet, le grand prêtre de nos offrandes, notre avocat auprès de son Père (1 Jn 2, 1). Il prie pour ceux qui prient, il plaide pour ceux qui plaident. Mais il refuse cette assistance fraternelle à ceux qui ne prient point par lui avec assiduité. Il ne considère pas comme sienne la cause de ceux qui négligent son précepte : " Il faut toujours prier, sans jamais se décourager " (Lc 18, 1).
Nous lisons dans l'Évangile : " Il leur dit encore une parabole pour montrer qu'il fallait toujours prier sans jamais se lasser : Il y avait dans une ville un juge ", etc. Lc 18, 1. Et un peu plus haut : " Si l'un de vous a un ami qui aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire : Ami, donne moi trois pains, car un de mes amis m'arrive de voyage et je n'ai rien à lui offrir " (Le 11, 5-6). Et un peu plus loin : " Je vous le dit : même s'il ne se lève pas pour les lui donner en qualité d'ami, il se lèvera du moins à cause de son importunité et lui donnera tout ce dont il a besoin " (Le 11, 8).
Celui qui croit à l'infaillible parole de Jésus peut-il ne pas être porté à prier avec insistance par ces mots : " Demandez, et l'on vous donnera, qui demande, reçoit " (Mt 7, 7-8). Le Père qui est bon donne le pain vivant à ceux qui le prient, et non pas la pierre que le diable présente comme nourriture à Jésus et à ses disciples, à ceux qui ont reçu du Père l'esprit d'adoption. Le Père accorde ce qui est bon et fait pleuvoir du ciel sur ceux qui le demandent. (Mt 7, 11 et Le 11, 13). […]
Prier sans cesse.
La pratique de la vertu et la fidélité aux préceptes font partie intégrante de la prière ; il prie donc sans cesse celui qui lie la prière à l'action et l'action à la prière : c'est la seule manière de " prier sans cesse ". Ce qui revient à considérer toute la vie du saint comme une longue prière ininterrompue dont ce que nous appelons habituellement la prière n'est qu'une partie.
Cette dernière doit se renouveler au moins trois fois par jour, à l'exemple de Daniel, qui, trois fois par jour, se mettait en prière, au moment où un grand danger le menaçait (Dn 6, 10). Pierre lui aussi montait sur la terrasse, vers la sixième heure, afin de prier. La vision de la grande nappe retenue par les quatre coins et s'abaissant vers le sol, marquait la seconde de ces trois prières (Ac 10, 9, 10). David avant lui y fait allusion : " Dès le matin tu entends ma voix, dès le matin, je me tiens devant toi et je guette " (Ps 5, 3). Nous avons une allusion à la troisième de ces prières dans le passage : " J'élève mes mains comme un sacrifice du soir " (Ps 141, 2). Nous ne passons même pas le temps de la nuit sans prier, puisque David nous dit : " Au milieu de la nuit, je me lève pour te confesser, à cause des jugements de ta justice " (Ps 119, 62). Les Actes des apôtres rapportent également que Paul à Philippe, " au milieu de la nuit priait et chantait les louanges de Dieu avec Silas ; les autres prisonniers les entendaient " (Ac 16, 25).
Jésus lui-même prie et ne prie pas en vain, il obtient ce qu'il demande dans sa prière, alors qu'il ne l'obtiendrait peut-être pas sans prier. Qui de nous peut se permettre de ne pas prier ? Marc nous apprend en effet : " Le lendemain matin, encore en pleine nuit, il se leva, sortit et se rendit en un lieu solitaire, et là se mit en prière " (Mc 1, 35). Luc de son côté : " Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit... " (Lc 11, 1). Et ailleurs : " Il passa la nuit à prier Dieu " (Lc 6, 12). Voici comment Jean décrit sa prière : " Ainsi parla Jésus ; puis levant les yeux au ciel, il dit : Père, l'heure est venue, glorifie ton fils, afin que ton fils te glorifie " (Jn 17, 1). Et cette parole : " Je savais que tu m'exauces toujours " (Jn 11, 42), prononcée par Jésus et conservée par l'évangéliste, montre bien que celui qui prie toujours est toujours exaucé. […]
Ce que nous devons demander.
Méditons à présent la parole : " Demandez les grandes choses et les petites vous seront données de surcroît ; demandez les biens du ciel et ceux de la terre nous seront accordés en sus ". Toutes les images et toutes les figures comparées à la réalité des biens véritables et spirituels sont faibles et terre à terre. Or le Verbe de Dieu qui nous exhorte à imiter la prière des saints, afin que nous demandions dans sa réalité ce qu'ils obtenaient en figure, nous rappelle que les biens célestes et d'importance sont signifiés par des valeurs terrestres et modestes. Comme s'il disait : vous voulez être spirituels ?
Demandez dans vos prières les biens du ciel et de conséquence, et les ayant reçus, vous hériterez du royaume des cieux : devenus grands, vous jouirez de biens plus grands. Pour ce qui est des biens de la terre et quotidiens, dont vous avez besoin pour vos nécessités corporelles, le Père vous les donne par surcroît, dans la mesure du nécessaire.
Les quatre formes de prière chez saint Paul.
Dans la première lettre à Timothée, l'Apôtre utilise quatre mots, qui caractérisent les quatre formes de la prière. Il nous faut citer le texte pour voir si nous entendons bien les quatre termes. Voici : " Je recommande donc avant tout qu'on adresse des supplications, des prières, des intercessions, des actions de grâces pour tous les hommes " (l T 2, 1).
À mon avis, la supplication est la prière de celui qui demande avec instance pour obtenir ce dont il a besoin. La prière proprement dite part d'un sentiment plus noble, elle glorifie Dieu et son objet est plus élevé. L'intercession suppose une plus grande confiance de la part de celui qui l'adresse à Dieu. L'action de grâces : la gratitude, jointe à la prière pour les biens obtenus ; elle veut exprimer la grandeur du bienfait aux yeux du bénéficiaire ou bien découvre au bienfaiteur, la grandeur de sa bienfaisance.
1) Exemples de supplication.
Comme exemples de la première forme on peut citer les paroles de Gabriel à Zacharie, qui avait probablement demandé à Dieu la naissance de Jean. L'ange lui dit : " Rassure-toi, Zacharie, ta supplication a été exaucée ; ton épouse Élisabeth te donnera un fils, que tu appelleras Jean " (Lc 1, 13).
Voyez aussi ce qui est écrit dans l'Exode, à propos du veau d'or : "Moise suppliait le Seigneur Dieu et dit : Pourquoi es-tu en colère, Seigneur, contre ton peuple que tu as fait sortir d'Égypte par une grande puissance " (Ex 32, 11). Dans le Deutéronome : " J'ai supplié pour la seconde fois le Seigneur, comme la première : durant quarante jours et quarante nuits, je n'ai pas mangé de pain et je n'ai pas bu d'eau, à cause de tous les péchés que vous avez commis " (Dt 9, 18). Dans le livre d'Esther : " Mardochée supplia Dieu, en se souvenant de toutes les œuvres du Seigneur et dit : Seigneur, Seigneur, roi tout-puissant ! " (Est 13, 8). Esther elle-même " suppliait le Seigneur Dieu d'Israël, en disant : Seigneur, notre roi ! " (Est 14, 3).
2) Exemples de prière.
On trouve la prière proprement dite dans Daniel : " Azarias, debout, pria de la sorte, la bouche ouverte, au milieu du feu et dit… " (Da 3, 25). Et Tobie : " J'ai prié avec douleur, en disant : Tu es juste, Seigneur, toutes tes actions, toutes tes voies sont miséricorde et vérité. C'est un jugement vrai et juste que tu rends pour toujours " (Tb 3, 1-2). Le passage cité de Daniel a été marqué d'un obèle par les Juifs, parce qu'il ne se trouve pas dans l'hébreu, car ils rejettent le livre de Tobie parmi les non canoniques ; je citerai donc la parole d'Anne dans le premier livre des Rois : " Elle pria le Seigneur et pleura avec des sanglots. Seigneur des armées, dit-elle, si tu daignes regarder l'affliction de ta servante ", etc. (1 S 1, 10-11).
On lit dans Habacuc : " Prière d'Habacuc, le prophète, avec cantique. Seigneur, j'ai écouté ta voix et j'ai eu peur. Seigneur, j'ai réfléchi à tes œuvres, et j'étais dans la frayeur. On te reconnaîtra au milieu de tes animaux. Tu seras manifesté, quand les années se seront rapprochées " (Ha 3, 1). Ce dernier exemple montre bien que la prière est une invocation, unie à la louange.
De même dans le livre de Jonas : " Jonas pria le Seigneur son Dieu, dans le ventre de la bête, et il dit : De ma détresse, j'ai crié vers le Seigneur, et il m'a répondu; du sein de l'enfer, tu as entendu mes cris. Tu m'avais jeté au plus profond du cœur des mers, et les fleuves m'ont encerclé " (Jon 2, 2-4).
3) Exemples d'intercession.
Voici un exemple de la troisième forme de prière. L'Apôtre attribue la prière à nous, l'intercession à l'Esprit, qui est plus puissant et possède la confiance du Dieu, auquel il s'adresse : " Nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables. Et celui qui scrute les cœurs connaît les pensées de l'Esprit : il sait qu'il intercède selon Dieu en faveur des saints " (Rm 8, 26-27). L'Esprit intercède avec insistance, mais nous nous prions.
On peut appeler également intercession la prière de Josué pour faire arrêter le soleil devant Gabaoth : " Alors Josué parla au Seigneur, au jour où Dieu livra l'Amorrhéen à la merci des fils d'Israël, lorsqu'il les brisa à Gabaoth, et ils furent brisés devant les fils d'Israël. Et Josué dit : Soleil, arrête toi sur Gabaoth, et Lune, sur la vallée d'Elom " (Jos. 10, 12).
Dans les Juges, me semble-t-il, Samson intercéda quand il dit : " Meure ma personne, avec les Philistins ", et qu'il ébranla les colonnes si bien que la maison tomba sur les chefs et sur tout le peuple qui s'y trouvait (Jg 16, 30). L'Écriture ne dit pas explicitement que Josué et Samson " intercédèrent " mais " dirent ". Leurs paroles équivalent à une intercession, à bien interpréter le texte.
4) Exemples d'action de grâces.
Nous avons une action de grâces dans la parole de notre Seigneur : " Je te rends grâces, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l'avoir révélé aux tout petits " (Lc 10, 21). Le verbe " je te confesse " est ici l'équivalent de " je te remercie ".
Toutes ces formes de prière sont adressées de préférence au Christ.
On peut même adresser aux saintes supplications, intercession et action de grâces ; les deux dernières (intercession et action de grâces) s'adressent non seulement aux saints mais même aux hommes. La supplication, elle, ne s'emploie qu'à l'égard des saints, à Pierre et à Paul, par exemple, pour qu'ils nous rendent dignes de recevoir le pouvoir qui leur a été donné de remettre les péchés. Si toutefois nous avons offensé quelqu'un qui n'est pas un saint, nous pouvons dès que nous en avons pris conscience lui demander de nous pardonner notre offense.
Si nous pouvons adresser aux saints toutes ces formes de prière, à plus forte raison, nous faut-il rendre grâces au Christ, qui par la volonté du Père nous a comblés de tant de bienfaits ! Nous devons également user d'intercession comme Étienne : " Seigneur, ne leur impute pas ce péché " (Ac 7, 60), et imiter le père du lunatique qui demandait : " Seigneur, je te supplie, aie pitié de mon fils " (Lc 9, 38), ou de moi ou de tel autre. […]
Les biens du ciel et les biens de la terre.
Demander à Dieu des biens terrestres et futiles c'est désobliger celui qui nous ordonne de lui demander les biens du ciel, les biens de valeur, et dédaigne d'accorder ce qui est terrestre et futile. Quelqu'un m'objectera peut-être que Dieu accorde des biens matériels à ses saints, en raison de leurs prières ou de la parole de l'Évangile, où les biens terrestres et secondaires sont promis de surcroît. Voici ma réponse.
Lorsque quelqu'un nous donne un objet matériel, on ne peut pas dire qu'il nous donne l'ombre de cet objet (car il n'a pas l'intention de donner deux choses séparées, l'objet et son ombre mais l'ombre suit nécessairement l'objet donné), de même si nous considérons avec une certaine hauteur les grâces importantes que Dieu nous fait, nous pouvons dire que les biens matériels ne sont que l'ombre qui accompagnent pour les saints les grâces spirituelles, immenses et célestes, pour leur profit et selon la disposition de Dieu. Le Seigneur agit toujours avec sagesse, même si nous ne connaissons pas le mobile de chacun de ses dons. […]
Il n'est pas étonnant que ceux qui reçoivent les bien qui projettent, pour ainsi dire, de telles ombres, n'obtiennent pas forcément une ombre identique et que quelques-uns n'en obtiennent même aucune. Ceux qui étudient retrouvent le même phénomène dans les corps. Les cadrans solaires à certains moments ne projettent aucune ombre, à d'autres, l'ombre se rétrécit ou s'allonge. Nous ne devons donc pas nous étonner si la sagesse divine, qui nous accorde les biens les plus précieux décide, pour des raisons mystérieuses qui nous échappent, selon les circonstances ou les dispositions de qui les reçoit, de ne les accompagner d'aucune ombre ou de les accompagner chez quelques-uns d'une ombre plus grande ou plus petite.
Celui qui recherche les rayons bienfaisants du soleil ne s'inquiète guère, une fois qu'il les a trouvés, de l'ombre, puisqu'il a obtenu l'essentiel. Que lui importe la présence ou l'absence d'ombre ? Une ombre plus longue ou plus courte ? Il en est de même pour nous : si nous possédons les biens spirituels, si nous sommes éclairés par Dieu sur les moyens d'acquérir les vraies richesses, peu nous chaut une chose aussi futile que l'ombre. Tous les biens de la terre, tous les charmes du corps ne représentent qu'une ombre légère et fugitive, comparés aux richesses du salut et de la sainteté, accordées par le Dieu de l'univers. Comment comparer des biens matériels avec " les richesses de la parole et de la science " (1 Co 1, 5) ? Quel homme, à moins de perdre la raison, mettrait en balance la santé du corps liée à la chair et aux os avec la santé de l'esprit, la force de la raison et la liberté du jugement ? Toutes les souffrances du corps, à la lumière de Dieu ne représentent qu'une piqûre, moins encore qu'une piqûre. […]
Il nous faut donc prier, il faut prier pour obtenir les biens essentiels et vraiment grands, ceux du ciel ; il faut laisser à la discrétion de Dieu de disposer des ombres qui les accompagnent, car il sait ce dont nous avons besoin, avant même que nous ne le demandions.

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