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L'orthodoxie en martinique
14 mars 2023

Réincarnation et Occultisme

 « Réincarnation et occultisme ».

Ce n’est pas sans une certaine appréhension que j’aborde ce thème […]. Je suis, par principe, un défenseur de la tolérance en matière religieuse. J’essaie d’avoir une approche assez objective des différentes opinions. Je vous parlerai donc de vues que je ne partage pas, mais sans les stigmatiser ni les déprécier. La doctrine de l’immortalité se retrouve dans toutes les conceptions religieuses et une grande partie des systèmes philosophiques. Elle s’appuie sur des déductions sérieuses de la science, de la psychologie, de la philosophie. Loin d’être une attitude superficielle envers la réalité, elle est mûrement réfléchie, fruit de l’expérience et de la raison humaine. Loin d’être une abstraction, elle est profondément ancrée dans la conscience de l’homme, si profondément même que celui qui, intellectuellement, la nie ne peut faire autrement qu’y croire ; personne ne peut se représenter le non-être, ni la destruction complète de sa personnalité. Parmi les diverses conceptions de l’immortalité, il en est une qui a été très répandue à la fin du siècle dernier et qui est très en vogue aujourd’hui, en Russie et aux Etats-Unis. Il s’agit de la réincarnation, « métempsychose » pour les Grecs, samsara ou « migration des âmes » pour les hindous. Qu’est-ce que la migration des âmes ? […] Selon la doctrine de l’Inde antique, il n’y a au monde que Dieu. L’homme n’existe pas. Dieu fait naître de soi l’édifice du monde, puis le reprend, l’attire à soi. De même que l’océan engendre des vagues qui se brisent sur les rochers et refluent vers lui, de même toutes les manifestations du monde surgissent, naissent des entrailles du divin et s’y replongent. Il est donc un peu inexact de parler des réincarnations des âmes, car, en fin de compte, ce n’est pas l’homme qui se réincarne, mais le divin. Dans cette optique, chacun de nous n’est qu’une émanation de ce divin, de même nature que lui et appelée à y retourner. Dès lors, les différentes réincarnations de l’âme dans d’autres personnes, des animaux ou des plantes, ne sont que des étapes passagères, qui font partie des jeux sublimes de l’océan du monde, des moments grandioses de l’incarnation de l’Absolu. Cette vision des choses, à l’évidence, n’est pas sans grandeur. Le christianisme, la doctrine de l’Eglise a certains points communs avec cette conception orientale – exprimée notamment dans les Upanishads – mais aussi des différences fondamentales. Des points communs ? D’abord l’idée que le mystère de Dieu est inexprimable. Dieu, c’est ce qui se trouve au-delà des pensées, paroles, définitions particulières et concrètes des hommes. Il ne peut être exprimée que négativement, par ce qu’il n’est pas […]. Ensuite, l’idée que le spirituel prévaut sur le matériel : le spirituel est le stade suprême du développement de l’être, l’esprit doit dominer le corps, « l’homme ne vit pas seulement de pain » (Matt 4.4). Enfin, l’idée et la soif du salut, moksha, dans les Upanishads. L’humanité, le monde se trouvent dans un état de souffrance et de maladie. Ils ont besoin de la rédemption, du salut ; celui qui n’en prend pas conscience est condamné aux ténèbres […]. C’est justement ici qu’il y a une différence. Pour l’Orient, le salut consiste en une totale identité – allant jusqu’à la fusion – entre l’homme et le divin. Les méthodes et exercices de méditation développés par ces traditions, comme le yoga par exemple, visent à éveiller et à réalise en soi cet état de conscience non dualiste. Le plus grand malheur de l’homme, selon les Upanishads, c’est l’ignorance : l’homme ne sait pas qu’il est une partie du divin. Pour le christianisme, l’homme n’est pas une parcelle du divin, mais une créature. Il n’était pas et il est devenu. Entre l’abîme de l’absolu et nous - qui sommes relatifs – il n’y a pas de passage. Il n’y a pas cette émanation de la force divine qui se transformerait en homme ou en édifice du monde : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (Gen 1.1). Le ciel et la terre, c’est le symbole, l’image de l’univers. Dieu ne les a pas sortis de soi, il ne les a pas arrachés de ses entrailles, mais il les a créés. « Que la Lumière soit » (Gen 1.3). « Que les eaux grouillent d’un grouillement d’être vivants « (Gen 1.20). Nous ne sommes donc pas de la même substance que Dieu, mais des créatures. « Je suis ta création, O Créateur, je suis la créature de ta sagesse, source et donateur de vie, âme de mon âme et mon roi » dit le poète. Quand Moïse, l’ancien qui a vu Dieu, demande à Dieu : Qui est tu ? Quel est ton nom ? Dieu lui répond : Je suis Celui qui suis » (Exo 3.14). Autrement dit, l’Absolu n’est pas le seul sujet du monde, il y a aussi l’homme. Dieu ne donne pas naissance, Il créé. Sa créature, l’homme, n’est ni une parcelle, ni une émanation, mais une volonté nouvelle, libre, qui peut s’opposer au Créateur ou, librement, venir vers Lui. Le salut sans liberté ne peut se réaliser. C’est la principale différence entre le christianisme et les doctrines orientales. Une différence de principe et de qualité […]. Conclusion : Pour le christianisme, le salut est la communion à la vie divine, non la fusion en elle. Car chaque personne créée, loin d’être seulement la partie d’un tout, est chère au Créateur, précieuse, douée d’une âme unique. En revanche pour les auteurs des Upanishads, les grands sages de l’Inde et leurs disciples, l’étape suprême du salut est la disparition complète de la personne. La personnalité de l’homme n’est qu’un éclat temporaire à la surface de l’être. Il n’y a qu’une personne suprême vers laquelle il faut revenir, c’est Dieu. C’est une énorme différence […]. Il y a en Inde, une autre doctrine de la réincarnation, créée dans le cadre d’un autre grand système religieux et philosophique : le Bouddhisme. La vision ici est pessimiste. Selon l’enseignement de Bouddha, en effet, la personne n’existe pas. Elle n’est que l’agrégat temporaire (skandha), condamné à disparaître, de certains éléments qui, eux, vont continuer d’exister, se réincarner. La personnalité, en tant que telle, disparaît […]. Tout se désintègre, mais le mal créé par les hommes passe dans la réincarnation suivante. Un homme n’est plus, mais son mal, sa maladie, se transmette de génération en génération. Le plus grand bonheur, c’est d’arrêter ce flux de retours infinis […]. Conclusion : le Bouddhisme est, en réalité, une doctrine de la désincarnation. Le Christianisme, en revanche, est la doctrine de l’incarnation. Dieu vient dans ce monde. Il sanctifie el ciel et la terre, les étoiles et la chair de l’homme. Celui qui s’est incarné est devenu un être comme nous, le sang humain a coulé dans les veines du Dieu-homme. La personne n’est pas détruite ; seul le mal est détruit en elle. Ce qui n’est pas sans danger non plus. Car plus il y a de mal dans une personne, moins il va rester d’elle dans le passage de l’au-delà. Car pour prendre une image, tout doit passer par le feu. En entrant dans l’atmosphère de l’au-delà, une météorite se chauffe à blanc et se consume. Il en va de même pour l’âme. En entrant dans l’atmosphère de l’au-delà, tout le mal, toutes les ténèbres, toute la noirceur qu’elle contient se consume : la plénitude de l’être après la mort dépend pour beaucoup de ce qui « reste » après cette combustion. Enfin, nous avons une troisième doctrine de réincarnation, qui s’est développée à la fin du XIX° siècle, par la théosophie. Evolutionniste, ce modèle ignore aussi bien le pessimisme du bouddhisme que l’optimisme scientifique et le progrès du XIX° siècle. Le mouvement théosophique et ses ramifications ont attiré à eux des gens sensibles aux phénomènes mystérieux […]. L’édifice du monde comporte beaucoup de plans d’existences incognoscibles. A preuve, l’expérience des personnes qui ont vécu une mort clinique : ils ont vu le plan d’existence le plus rapproché d’eux. J’ai connu un savant qui avait noté très consciencieusement comment il avait vécu sa sorti involontaire vers le plan astral, comment il avait vu son corps à distance. Ce fut dit-il une sensation fort désagréable. Or, par l’assimilation de pratiques des sages orientaux, il est possible de sortir volontairement dans le plan astral. Un exercice périlleux, car le plan d’existence que l’on atteint, voisin du nôtre, n’est pas seulement mystérieux, mais également dangereux, trompeur, problématique pour l’homme. En fait, ce n’est pas sans raison que le Créateur nous l’a voilé. Ce plan d’existence particulier – le monde astral – se révèle à l’homme quand il se trouve dans un état de sainteté ou de folie, c'est-à-dire quand les cloisons de la conscience se brisent, laissant « autre chose » y faire irruption. De même que nous sommes protégés de l’abîme noir du cosmos par la coupole du firmament, nous devons être protégés de ce plan d’existence mystérieux et dangereux pour nous, de ce monde terrible et ténébreux. Le contact avec cette dimension, avec le monde astral, engendre des phénomènes les plus divers qui frappent l’imagination humaine. Notre curiosité, parfois un désir de connaissance tout à fait légitime, nous emmène alors au-delà de nos possibilités […]. N’est-il pas dangereux pour l’homme de s’immiscer dans un domaine d’où il risque de faire sortir des démons ? Il y a une écologie de la nature, mais il y a aussi une écologie de l’esprit. Pourquoi l’Eglise interdit-elle à l’homme de faire du spiritisme et de se livrer à des pratiques occultes ? Pour supprimer sa soif de savoir ? Non, au contraire, un tel désir doit être encouragé ; l’Eglise considère la science comme la connaissance des mystères de Dieu. Non, le christianisme rappelle simplement que nous ne sommes pas capables, sans graves conséquences pour nous-mêmes et la société, de pénétrer ces domaines de l’invisible. Ce n’est pas un tabou ni un interdit aveugle, mais une mise en garde : l’homme n’est pas prêt à connaître ces mystères. Revenons à l’explication théosophique de la réincarnation. A la fin du XIX° siècle, la diffusion en Europe d’un matérialisme réducteur a amené beaucoup de gens à s’intéresser aux phénomènes mystérieux, au spiritisme, à l’occultisme, aux superstitions. C’est ainsi que, vers 1870, est né le mouvement théosophique – du mot « théosophie », sagesse divine. Il a été fondé par une voyageuse russe, Eléna Pétrovna Blavatskia, et un groupe d’adeptes parmi lesquels le Colonel Olcott […]. Ayant quitté l’Amérique pour le Sud de l’Inde, Blavatskia et Olcott fondèrent à Adyar, un faubourg de Madras, la société théosophique mondiale, avec pour devise : « Il n’est pas de religion plus haute que la vérité ». Cette société avait pour but l’étude des religions orientales et mondiales, la lutte pour une fraternité de toutes les religions et, comme finalité suprême, la fusion de toutes les religions en une seule. Elle s’intéressait en particulier à différents phénomènes occultes, au yoga, etc. Précisons tout de suite que le succès de Blavatskaia fut éphémère ; sa vieillesse fut marquée par des sentiments de solitude et d’échec […]. De la philosophie indienne, Blavatskaia a surtout retenu la doctrine de la réincarnation. Elle la présente comme une forme de salut du monde par lui- même, le développement de l’homme par la transmigration à travers différents corps. Suivant la loi de la rétribution – la loi du karma – l’homme reçoit dans chaque réincarnation le châtiment pour tout ce qu’il a fait de mal dans sa vie présente ; ses œuvres bonnes et mauvaises le suivent dans ses transmigrations. Mais en passant de corps en corps comme il changerait d’appartement, l’homme peut se purifier et s’élever. Disons sans ambages : le christianisme ne peut accepter cette théorie du salut par soi-même. Pour deux raisons. D’abord, comme l’enseigne l’Eglise, la personne forme un tout, corps et âme. Elle ne peut après sa mort, aller vivre ailleurs, dans un autre corps. Le corps n’est pas un hôtel ; c’est une réalité mystérieuse, lié à nous pour toujours. L’homme a un corps spirituel invisible, qui est indissociable de son être, comme le noyau et la graine de toute son existence. A cet égard, le témoignage des personnes ayant eu une expérience de quasi-mort est intéressant : certaines déclarent avoir vu l’apparence d’un corps presque transparent comme du verre. Au siècle passé, saint Ignace Briantchaninov a notamment rassemblé les témoignages des Pères de l’Eglise sur l’existence de ca corps spirituel de l’homme – sôma pneumatikon. Celui-ci peut ensuite recevoir une nouvelle vie, tout autre. Ensuite, la doctrine de Blavatskaia nie radicalement l’importance unique de Jésus-Christ pour notre salut. Blavatskaia a écrit qu’elle croyait au Christ. Non pas à un Christ historique, à Jésus de Nazareth qui vivait en Palestine, mais à un Christ cosmique qui serait un avatar de Krishna, Bouddha et des autres grands maîtres de sagesse. Le mouvement de Blavatskaia aurait été complètement oublié si, à la fin de sa vie, elle ne s’était adjointe un autre disciple, Annie Besant, d’origine anglaise qui mourra en 1933 […]. Le mouvement théosophique est arrivé en Russie au début de notre siècle. En 1912, un spécialiste allemand de Goethe, le philologue Rudolf Steiner, quitta la société théosophique en signe de protestation contre l’influence de Krishnamurti – en qui les adeptes voyaient une incarnation du Christ, le maître céleste – et fonda la société anthroposophique. Sa doctrine était une tentative de christianiser la théosophie, en s’appuyant non sur l’exemple de l’Inde, mais sur celui du Christianisme […]. Steiner conserve la réincarnation comme principe d’évolution : non seulement les gens se réincarnent, mais aussi les animaux, la terre, la lune, Jupiter, toutes les planètes, le soleil […]. Le contact avec les mondes spirituels peut avoir des conséquences néfastes pour l’homme […]. Nous ne savons pas ce qui peut en découler […]. C’est pourquoi l’Eglise s’oppose en principe à ce genre d’expériences qui, bien souvent, commencent d’une manière inoffensive et se terminent par des tragédies […]. Le spiritisme est une tentative d’entrer en contact avec une autre dimension ; l’homme devient un médium, le vecteur à travers qui – comme l’électricité dans un câble – des forces invisibles et complètement inconnues agissent. Ainsi, c’est uniquement quand l’homme aura atteint un haut niveau spirituel et moral qu’on pourra se poser, sérieusement, la question de savoir s’il est licite d’étudier les mondes mystérieux […]. En conclusion, pour la conscience chrétienne, l’unicité de chaque personne exclut l’idée de migration des âmes. Toutefois, l’idée de réincarnation reste très importante, mais dans un sens radicalement différent. Le Christ en effet, nous dit : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mat 16.24). Etre chrétien, c’est savoir se réincarner dans un autre homme. Nos pas métaphysiquement, mais moralement, par l’amour et la compassion, la capacité d’échapper à la prison de son propre Moi, pour compatir à une autre personne, se fondre en elle, mais sans perdre son Moi. Celui qui se donne acquiert. La réincarnation nous fait en quelque sorte redescendre sur terre. Elle rend matérielle l’idée d’immortalité de l’âme. Mais en même temps, dans la perspective chrétienne, le mystère de la personne nous fait sortir des limites de l’existence terrestre. Car il ne s’agit pas de répétition, mais d’un développement ininterrompu de la personnalité humaine ; quel que soit le nombre des mondes, l’homme – qui est une créature puissante et sacrée – se développe dans chacun d’eux. Le temps de notre existence terrestre n’est donc qu’un segment, une étape de notre développement. Mais un passage important, car chacun de nous peut accomplir son dessein dans cette vie ; nous n’avons pas besoin de plusieurs vies pour notre épanouissement spirituel éternel. Cela dit, si l’homme n’a réalisé que peu de choses dans son parcours dans le monde, il aura beaucoup de possibilités dans d’autres espaces. Car le chemin est infini, le développement aussi. Le Christ Lui-même n’a-t-il pas dit que l’homme est appelé à la perfection, comme le Père céleste est parfait » (Matt 5,48). Cela veut dire que notre développement n’a pas de limites et que, sur ce plan terrestre de notre existence, quelque chose de très important commence. Il ne faut pas penser que la séparation de l’âme et du corps au moment de la mort, est seulement une libération de l’homme. Notre Dieu nous a pensés comme des êtres dans lesquels se marient la matière en mouvement, la nature et l’Esprit immortel. Chacun de nous doit le savoir : l’idée, universelle et cosmique, de l’Homme réside dans al divino-humanité : « Je suis le lien entre les mondes ». Nous unissons deux mondes. C’est pour cela que l’Eglise nous enseigne non seulement l’immortalité de l’âme – que connaissent d’autres religions – mais aussi « la résurrection des morts et la vie du siècle à venir ».

Père Alexandre Men

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